Addiction au sucre

par | 16 Nov 2022 | Etudes & Informations, Nutrition | 0 commentaires

11 min de lecture

Ceren Taşdemir
Ceren Taşdemir
Diététicienne, experte en nutrition et rédactrice scientifique

On entend souvent dire que le sucre est comme une drogue et qu’il existe une addiction au sucre. Nous en consommons tellement chaque jour qu’il est difficile de de résister à la tentation et de nous en passer. Dans cet article, nous analyserons comment ce nutriment, souvent utilisé pour rendre les aliments plus attrayants, peut également entraîner l’addiction au sucre, contribuant ainsi de manière significative à l’épidémie d’obésité.

Addiction au sucre

D’après les recherches scientifiques, il semblerait que les sucres ajoutés (blancs et raffinés) provoquent une addiction au même titre que la cocaïne, la nicotine, l’alcool, le tabac et la caféine (1-3), et même parfois plus fortement. D’après une étude, les fumeurs chroniques suppriment mieux leur envie de fumer que leur envie de manger (4). Une autre étude menée sur des personnes dépendantes de la cocaïne a montré que leur envie de manger est encore plus forte que leur envie de cocaïne (5). De plus, le sucre induit une récompense et des envies comparables à celles des drogues addictives, étant même plus satisfaisante que la cocaïne (3).

Mécanismes : comment se produit l’addiction au sucre ?

Quelle est la différence entre les aliments et les drogues en matière de dépendance ?

Tout d’abord, le fait de manger est un comportement naturel, les hormones naturelles et les mécanismes internes jouent un rôle dans le début et la fin de ce comportement, mais ce n’est pas le cas dans la consommation et la dépendance de drogues. Deuxièmement, selon quelques théories, la « dépendance alimentaire » est plus « comportementale » que liée à une substance (6), bien qu’elle comporte certains stades de dépendance similaires à la dépendance aux drogues. Après avoir établi cette distinction importante, nous pouvons parler des mécanismes potentiels de l’addiction au sucre.

Il existe deux voies principales par lesquelles le sucre entraîne sa propre consommation :

  • les effets hédoniques (effets de récompense)
  • les effets homéostatiques (comme la libération de dopamine, l’hormone du bonheur).

Propriétés addictives et sensorielles :

La consommation de sucre produit des effets similaires à ceux de la cocaïne (7-11), altérant l’humeur (12), peut-être grâce à sa capacité à induire la récompense et le plaisir, ce qui pousse le sujet à la recherche de sucre (2).
La raison pour laquelle nous ne pouvons pas nous passer du sucre est que la sensations sucrée est l’un des plaisirs sensoriels les plus intenses que les êtres humains expérimentent. Notre recherche de substances sucrées dépasse tout besoin métabolique (13). De plus, il n’y a aucune exigence ou besoin physiologique pour les sucres ajoutés car il n’existe techniquement pas de glucides essentiels, contrairement aux protéines ou aux lipides (14).

Le point de vue évolutif

La récompense naturelle que représente le sucre est une autre adaptation évolutive, elle pousse les humains à rechercher et à consommer du sucre chaque fois qu’il a été trouvé dans la nature parce qu’ils ne peuvent peut-être pas en trouver pendant longtemps (13).
La consommation accrue d’aliments riches en sucre (tels que les fruits et le miel) aurait augmenté les chances de survie pendant les périodes de famine, car le sucre nous aide à stocker des graisses et, lorsqu’il est présent dans la nature, il correspond généralement à des aliments qui fournissent de grandes quantités de calories (15). Les individus ayant les plus grandes réserves de graisse avaient probablement un avantage évolutif important en matière de survie pendant les périodes de famine (cette théorie tente également de répondre à la question de l’obésité actuelle). Ainsi, les envies de sucre ont probablement conféré un fort avantage évolutif.

l'humanité mange des fruits depuis longtemps

Photo de livescience

Disponibilité des sucres

Malheureusement, les humains ne se sont jamais adaptés à la récompense intense qui suit la consommation de sucres ajoutés et hautement raffinés. Les formes les plus courantes de sucre ajouté sont le saccharose (sucre de table) et le sirop de maïs à haute teneur en fructose. Ils contiennent tous deux des sucres simples, le glucose et le fructose. La récompense anormale que procure la consommation de sucre (qui surpasse celle des drogues) l’emporte sur nos mécanismes de maîtrise de soi et nous prédispose à l’addiction au sucre (13).

NOTE : Le fructose est-il meilleur ou pire que le sucre de table ? Au cours de notre évolution, nous n’avions accès au fructose que dans le miel, les fruits et certains légumes. L’invention du sirop de maïs à haute teneur en fructose et d’autres utilisations industrielles du fructose peuvent être dangereuses pour la santé humaine. Mais le fructose présent dans les fruits seuls n’est pas dangereux. Il est important de noter que les antioxydants naturels contenus dans ces aliments naturels diminuent la formation de réserves de graisse inflammatoire (contrairement à la consommation de sucres ajoutés).
:index_vers_la_droite: Clique ici pour l’article « Le fructose est-il mauvais pour la santé ? » pour en savoir plus.

Le sucre fonctionne-t-il comme une drogue ?

De nos jours, le sucre a été raffiné au point d’être une substance de type chimique. En effet, lorsque la canne à sucre est écrasée et vidée de tout son contenu liquide, bouillie jusqu’à l’obtention d’un sirop, secouée puis débarrassée de toutes ses vitamines, minéraux et mélasse, il ne reste que des cristaux blancs purs. Ce processus d’extraction et de raffinage est similaire à celui d’autres cristaux blancs qui créent une dépendance, à savoir la cocaïne provenant de la feuille de coca et l’opium provenant de la graine ou du gousse de pavot. Le fait de raffiner le sucre contribue considérablement à ses propriétés addictives (16).

Transformation des sucres : augmentation de l’indice glycémique (IG) et de la charge glycémique (CG)

Schulte et al. (17) suggèrent également que certains aliments hautement transformés partagent des propriétés pharmaceutiques, telles qu’une puissance élevée et un taux d’absorption rapide, avec les drogues d’abus.

Ce modèle concerne les aliments à IG élevé/CG élevé (capacité des aliments à augmenter le taux de sucre dans le sang) qui peuvent créer une dépendance. Schulte et al. s’appuient à nouveau sur une similitude superficielle entre le potentiel addictif des drogues, basé sur leur dose et leur vitesse d’absorption, pour expliquer pourquoi les aliments transformés comme les sucres sont susceptibles de créer une addiction.

D’autre part, des études montrent que des augmentations modérées de la glycémie (le taux de sucre sanguin) après l’ingestion de glucose peuvent améliorer aussi les performances cognitives dans diverses tâches, notamment la récupération de la mémoire sémantique, les tâches de temps de réaction et même les performances de conduite (18-20).

Y a-t-il des sucres recommandables ?

La nourriture a des composantes à la fois homéostatiques et hédoniques, ce qui en fait une puissante récompense naturelle. Il est nécessaire de consommer de la nourriture pour vivre et survivre. Attribuer aux aliments les qualités addictives négatives des drogues peut être intéressant mais ne conduit pas nécessairement à une meilleure compréhension de certains mécanismes.

Il est important de faire la distinction entre les effets sur la santé des sucres naturellement présents dans les aliments et les effets des sucres ajoutés.

Les différents types de glucides

Les principaux sucres présents dans les aliments que nous consommons quotidiennement sont le glucose, le fructose, le saccharose et le lactose.

  • Le glucose existe à l’état naturel dans la plupart des produits végétaux à saveur sucrée (fruits, miel, certains légumes) et également dans les fluides biologiques (surtout dans le sang, glucose est un important carburant pour notre cerveau aussi).
  • Le fructose est très largement répandu dans la nature, notamment dans les fruits et de nombreux légumes.
  • Le saccharose (sucre de table) est constitué d’une unité de glucose liée à une unité de fructose.
  • Le lactose et le galactose sont des sucres naturellement disponibles dans les produits laitiers.

Une consommation excessive de sucre peut entraîner une augmentation du poids, de l’obésité et des maladies associées telles que le diabète de type 2, les maladies cardiovasculaires et certains cancers. En raison des effets sur la santé d’une consommation excessive de sucre, l’ANSES recommande de ne pas consommer plus de 100 g de sucre (hors lactose et galactose) et pas plus d’une boisson sucrée par jour.  Par ailleurs, 20 à 30 % de la population française consomment plus de 100 g de sucre par jour (21).

Notre mission première n’est pas d’éviter le sucre que l’on trouve naturellement dans les fruits et légumes, mais d’éviter le sucre industriel !

Nos recommandations pour échapper l’addiction au sucre

Pour une vie plus saine et moins sucrée, voici nos conseils :

  • Plutôt que d’abandonner le sucre en un jour, essaie de le faire progressivement.
  • Adopter une alimentation équilibrée en privilégiant les légumes, les fruits et les céréales complètes au lieu des sucres raffinés et  intègre de l’activité physique dans ta routine hebdomadaire.
  • Pour éviter les aliments raffinés, tu peux cuisiner chez toi des desserts à base des fruits. Si tu achètes des aliments emballés, lis attentivement la section des informations nutritionnelles au dos de l’emballage.
  • Bois de l’eau, mange des fibres et n’oublie pas les protéines : ces trois éléments sont excellents pour se sentir rassasié et en pleine forme!

Chez GoodSesame on te propose des menus sains, gourmands et respectueux de l’environnement, alors n’hésite pas à télécharger l’app !

Des repas sains et responsables ? Télécharge l'app GoodSesame !

Les études & informations sur la santé du microbiote t’intéressent ? Pourquoi ne pas jeter un œil à notre guide « La science du cerveau : obésité » ?

Si l'envie te prend de rejoindre la discussion, viens nous dire hello sur Discord et sur nos groupes Facebook privés : Santé et Nutrition, Environnement, Cuisine et Éthique et bien-être animal.

Suis-nous

Retrouve-nous sur les réseaux sociaux

Newsletter

Abonne-toi : 0% de spam et 100% de tendances !

 

Sources :

Photo de couverture : Photo de Johanna Kosinska sur Unsplash.com

  1. Lustig RH. Fructose: metabolic, hedonic, and societal parallels with ethanol. J Am Diet Assoc 2010;110:1307–21. 2
  2. Ahmed SH, Guillem K, Vandaele Y. Sugar addiction: pushing the drug-sugar analogy to the limit. Curr Opin Clin Nutr Metab Care 2013;16:434–9. 3
  3. Snow HL. Refined sugar: its use and misuse. The Improvement Era Magazine 1948:51. 4
  4. Kober H, Mende-Siedlecki P, Kross EF, et al. Prefrontal-striatal pathway underlies cognitive regulation of craving. Proc Natl Acad Sci 2010;107:14811–6. 5
  5. Toll BA, Katulak NA, Williams-Piehota P, et al. Validation of a scale for the assessment of food cravings among smokers. Appetite 2008;50:25–32.
  6. Naneix F, Darlot F, Coutureau E, Cador M. Long-lasting deficits in hedonic and nucleus accumbens reactivity to sweet rewards by sugar overconsumption during adolescence. Eur J Neurosci. (2016) 43:671–80. doi: 10.1111/ejn.13149
  7. Ifland JR, Preuss HG, Marcus MT, et al. Refined food addiction: a classic substance use disorder. Med Hypotheses 2009;72:518–26. 16
  8. Gearhardt AN, Grilo CM, DiLeone RJ, et al. Can food be addictive? public health and policy implications. Addiction 2011;106:1208–12. 17
  9. Avena NM, Rada P, Hoebel BG. Evidence for sugar addiction: behavioral and neurochemical effects of intermittent, excessive sugar intake. Neurosci Biobehav Rev 2008;32:20–39. 18
  10. Brown RJ, Rother KI. Non-nutritive sweeteners and their role in the gastrointestinal tract. J Clin Endocrinol Metab 2012;97:2597–605. 19
  11. Grayson BE, Seeley RJ, Sandoval DA. Wired on sugar: the role of the CNS in the regulation of glucose homeostasis. Nat Rev Neurosci 2013;14:24–37.
  12. Pretlow RA. Addiction to highly pleasurable food as a cause of the childhood obesity epidemic: a qualitative internet study. Eat Disord 2011;19:295–307.
  13. Lenoir M, Serre F, Cantin L, et al. Intense sweetness surpasses cocaine reward. PLoS One 2007;2:e698.
  14. Westman EC. Is dietary carbohydrate essential for human nutrition? Am J Clin Nutr 2002;75:951–3
  15. Johnson RJ, Andrews P, Benner SA, et al. Theodore E. Woodward Award: the evolution of obesity: insights from the mid-miocene. Trans Am Clin Climatol Assoc 2010;121:295–308. car
  16. DiNicolantonio JJ, Lucan SC, Season S. It’s Everywhere and Addictive: The New York Times, 2014.
  17. Schulte E,Avena N, Gearhardt A (2015) Which foods may be addictive? The roles of processing, fat content, and glycemic load. PLoS One 10:e0117959 car addiction au sucre
  18. Donohoe R, Benton D (1999) Cognitive functioning is susceptible to the level of blood glucose. Psychopharmacology 145:378–385 car
  19. Benton D, Owens D, Parker P (1994) Blood glucose influences memory and attention in young adults. Neuropsychologia 32:595–607 car
  20. Keul J, Huber G, Lehmann M, et al (1982) Einfluss von Dextrose auf Fahrleistung, Konzentrationsfaehigkeit, Kreislauf und Stoffwechsel im Kraftfahrzeug-Simulator (Doppelblindstudie im cross-over-design). Aktuelle Ernaehrungsmedizin 7:7–14 car
  21. https://www.anses.fr/fr/content/sucres-dans-l%E2%80%99alimentation#:~:text=Compte%20tenu%20des%20effets%20sur,plus%20d’une%20boisson%20sucr%C3%A9e car
Cet article t'a plu ? Parles-en autour de toi !

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.