L’effet du microbiote sur le stress

par | 29 Août 2022 | Etudes & Informations, Nutrition, Optimisation Santé | 0 commentaires

13 min de lecture

Ceren Taşdemir
Ceren Taşdemir
Diététicienne, experte en nutrition et rédactrice scientifique
Découvre dans l’app l’objectif santé « Stress » : l’idéal pour rester zen en toute circonstance et garder ta bonne humeur !

Notre intestin, appelé désormais « le deuxième cerveau », abrite près de 100 trillions de types de bactéries (1). On appelle cet « écosystème » le microbiote. Notre microbiote intestinal est important pour de nombreuses fonctions biologiques de l’organisme, notamment le développement intestinal, l’intégrité et la fonction de la barrière contre les pathogènes (2, 3), le métabolisme (4, 5), le système immunitaire (6) et le système nerveux central (SNC). Il existe des preuves solides d’échanges mutuels  entre le stress et le microbiote (7). Cependant, les mécanismes de cette communication si particulière continuent d’être étudiés, il y a encore beaucoup d’aspects que nous ne connaissons pas sur le sujet. Dans cet article, nous verrons comment le microbiote influence le stress et quels sont les déterminants comportementaux.

Développement du cerveau humain

Le développement fonctionnel du cerveau des mammifères présente un intérêt particulier car les scientifiques ont découvert qu’il peut être sensible à des signaux environnementaux internes et externes pendant la vie périnatale. Des études épidémiologiques ont indiqué une association entre des troubles neurologiques, tels que l’autisme et la schizophrénie, et des infections par des agents pathogènes au niveau du microbiote pendant la période périnatale (8, 9).

De plus, l’exposition à des agents pathogènes microbiens pendant les périodes de développement entraîne des anomalies comportementales, notamment un comportement de type anxieux et une altération des fonctions cognitives (10-12).

On peut dire que toutes les bactéries ne sont pas forcément mauvaises. Mais pour notre microbiote, certaines sont bonnes (on les appelle aussi des probiotiques) et d’autres sont pathogènes. Une étude récente a montré que la bactérie, Bifidobacteria infantis, pouvait moduler positivement le métabolisme du tryptophane (un acide aminé responsable de l’hormone du bonheur), ce qui suggère que le microbiote intestinal normal peut influencer le réservoir de la sérotonine (13).

D’autre part, l’administration orale de certaines bactéries, comme la bactérie pathogène d’origine alimentaire, Campylobacter jejuni, entraîne un comportement de type anxieux chez les souris (14, 15).

Axe microbiote-intestin-cerveau

Microbiote et réponse au stress

Les scientifiques ont fait des recherches sur les rats axéniques.

Ces rats dépourvus de microbiote permettent d’observer comment l’existence – ou l’absence – d’un microbiote influence différents mécanismes. Les effets observés sont :

  • une augmentation de la réactivité́ de l’axe corticotrope (le système central de réponse au stress),
  • une influence de la réponse émotionnelle au stress,
  • des modifications de réponse neuro-endocriniennes (les interactions entre le système nerveux et le système hormonal).

Par quels mécanismes le microbiote intestinal agit-il sur la réponse au stress ?

On découvre peu à peu les voies de communication entre le microbiote et le cerveau, qui incluent le nerf vague, la signalisation hormonale intestinale, le système immunitaire, le métabolisme du tryptophane et les métabolites microbiens tels que les acides gras à chaîne courte.

Les acides gras à chaîne courte (AGCC) sont des acides gras comportant moins de six atomes de carbone. Issus de la fermentation microbienne intestinale d’aliments non-digestibles, les AGCC sont la principale source d’énergie du côlon, ce qui les rend essentiels à la santé gastro-intestinale. Ce sont tout simplement des sous-produits utiles, produits par les bonnes bactéries de ton colon.

Le microbiote d’un nouveau-né dans les premiers stades de sa vie n’est pas encore structuré. La séquence de glucides du lait maternel contient des glucides non digestibles pour nourrir ces bactéries.

Le nerf vague

Le nerf vague est composé à 90% de fibres ascendantes, qui transmettent des messages de l’intestin au cerveau. On sait aujourd’hui que le nerf vague transmet diverses informations, allant de la teneur en nutriments des aliments à la présence de produits bactériens (16). Les régions du cerveau qui reçoivent ces informations sont situées dans le tronc cérébral et l’hypothalamus et sont directement impliquées dans la réponse au stress (axe corticotrope).

Il est tout à fait possible qu’une modification de la composition du microbiote (qu’elle soit bénéfique ou néfaste) puisse avoir un impact sur notre humeur. L’ablation du nerf vague dans des modèles animaux supprime cet effet anxiolytique d’un microbiote sain, ce qui suggère que le nerf vague joue un rôle important dans la communication microbiote-cerveau (17-19).

La stimulation des cellules endocrines

Les nombreuses hormones libérées par le tractus intestinal, bien connues pour leurs effets métaboliques, ont également un impact sur le cerveau, les émotions et les comportements (20-22).

La composition du microbiote est déterminante pour notre métabolisme et peut affecter la production d’hormones par l’intestin. De plus, les hormones, enzymes et autres métabolites bactériens libérés par le microbiote lui-même ont également un effet sur le cerveau. C’est le cas des acides biliaires, des acides aminés et des acides gras à chaîne courte (23, 24).

microbiote stress et cerveau

Photo de Harvard.edu

La production des cellules neuroactives

La modulation/création des transmetteurs (par exemple, la sérotonine, la mélatonine, l’acide gamma-aminobutyrique, les histamines et l’acétylcholine) dans l’intestin est un autre mécanisme d’action possible qui pourrait médier les effets du microbiote intestinal (25).

La sérotonine : C’est une substance chimique qui transmet des messages entre les cellules nerveuses du cerveau. La sérotonine joue un rôle clé dans des fonctions corporelles telles que l’humeur, le sommeil, la digestion, les nausées, la cicatrisation, la santé des os, la coagulation sanguine et le désir sexuel.

La mélatonine : Il s’agit d’une hormone que ton cerveau produit en réponse à l’obscurité. Elle contribue à la synchronisation de tes rythmes circadiens (horloge interne) et au sommeil.

L’acide gamma-aminobutyrique (GABA) : GABA est un neurotransmetteur, un messager chimique dans ton cerveau. Il ralentit le rythme de ton cerveau en bloquant des signaux spécifiques dans ton système nerveux central. Le GABA est connu pour produire un effet calmant.

Les histamines : Lorsque tu es stressé, ton corps libère des hormones et d’autres substances chimiques, dont l’histamine, la puissante substance chimique à l’origine des symptômes d’allergie.

L’acétylcholine : Il s’agit d’une substance chimique organique qui fonctionne dans le cerveau et le corps de nombreux animaux comme un neurotransmetteur.  Des études cliniques ont suggéré qu’une augmentation de l’acétylcholine centrale pouvait entraîner un état dépressif.

La voie nerveuse

C’est la stimulation des neurones de notre système nerveux, qui influence le cerveau et la réponse au stress.

La voie immunitaire

Le microbiote effectue une stimulation des cellules immunitaires intestinales et modifie l’équilibre des cytokines inflammatoires (de petites protéines importantes dans la signalisation cellulaire). Ces cytokines peuvent augmenter l’inflammation, modifier le comportement et le stress en stimulant les systèmes nerveux périphérique et central (26, 27).

Le système nerveux comporte deux parties principales :

  • Le système nerveux central est constitué du cerveau et de la colonne vertébrale.
  • Le système nerveux périphérique est constitué de nerfs qui se branchent sur la colonne vertébrale et s’étendent à toutes les parties du corps.

On a constaté une importante régulation à la baisse des gènes liés au système immunitaire chez les souris sans microbiote (28), ce qui correspond à un système immunitaire et une microglie cérébrale qui seraient sous-développés (c’est un défaut de maturation du cerveau) (29). En effet, le système immunitaire peut constituer un lien essentiel pour les effets du microbiote sur la physiologie et le comportement du cerveau.

La plupart des études, mais pas toutes, montrent que les rats sans microbiote présentent un comportement social réduit par rapport aux rats possédant un microbiote bien varié (30-32).

Peut-on modifier le microbiote pour gérer le stress ?

Nous sommes nombreux·ses à avoir déjà expérimenté les répercussions des émotions négatives et du stress sur la motilité intestinale. Les troubles digestifs tels que le syndrome du côlon irritable correspondent souvent à des troubles de l’humeur (33) et peuvent refléter une composition anormale du microbiote et une inflammation chronique associée (34). La manipulation du microbiote intestinal et de ses fonctions par les probiotiques et des comportements sains constitue une stratégie thérapeutique prometteuse.

Paradoxalement, bien que notre accès à la nourriture soit facilité, nous constations encore l’évolution croissante des maladies métaboliques  liées à l’alimentation. Les habitudes alimentaires telles que les régimes riches en graisses et en sucre et pauvres en fibres ont augmenté les risques de maladies telles que le diabète, l’obésité ou les maladies inflammatoires de l’intestin. Tout cela touche également la santé de notre microbiote.

kefir

Photo de Anshu A sur Unsplash.com

Que manger pour améliorer la composition de notre microbiote et gérer le stress ?

  • Une alimentation saine et équilibrée (par exemple le régime méditerranéen recommandé comme l’un des meilleurs régimes pour la santé du cerveau et le stress)
  • La prise orale de probiotiques, qui sont des micro-organismes vivants non pathogènes dont les effets bénéfiques sur la flore intestinale ont été démontrés.
Le yaourt, le kéfir, le kombucha, le kimchi sont des aliments contenant des probiotiques !
  • Les prébiotiques (les fibres qui sont le carburant du microbiote), composants alimentaires non digestibles utiles à la croissance ou à l’activité de certaines populations de bactéries intestinales.
  • Les symbiotiques combinant pré et probiotiques.

 

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Photo de couverture : Photo de Diana Grytsku sur Freepik.com 
Sources :
  1. Partrick, K. A., Chassaing car, B., Beach, L. Q., Mccann, K. E., Gewirtz, A. T., and Huhman, K. L. (2018). Acute and repeated exposure to social stress reduces gut microbiota diversity in Syrian hamsters. Behav. Brain Res. 345, 39–48. doi: 10.1016/j.bbr.2018.02.005
  2. F. Bäckhed, R. E. Ley, J. L. Sonnenburg, D. A. Peterson, J. I. Gordon, Host-bacterial mutualism in the human intestine. Science 307, 1915–1920 (2005).
  3. L. V. Hooper car, Bacterial contributions to mammalian gut development. Trends Microbiol. 12, 129–134 (2004).
  4. V. R. Velagapudi, R. Hezaveh, C. S. Reigstad, P. Gopalacharyulu, L. Yetukuri, S. Islam, J. Felin, R. Perkins, J. Borén, M. Oresic, F. Bäckhed, The gut microbiota modulates en raison de host energy and lipid metabolism in mice. J. Lipid Res. 51, 1101–1112 (2010).
  5. J. K. Nicholson, E. Holmes, J. Kinross, R. Burcelin, G. Gibson car, W. Jia, S. Pettersson, Host-gut microbiota metabolic interactions. Science 336, 1262–1267 (2012).
  6. L. V. Hooper, D. R. Littman, A. J. Macpherson, Interactions between the microbiota and the immune system. Science 336, 1268–1273 (2012).
  7. Picard, M., and McEwen, B. S. (2018). Psychological stress and mitochondria: a conceptual framework. car Psychos. car Med. 80, 126–140. doi:
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  9. VA Mittal, LM Ellman, TD Cannon, Gene-environment and covariation in schizophrenia: The role of obstetric. Schizophr Bull 34, 1083–1094 (2008).
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